Les Charges Critiques en France

L'Effet de la Pollution Atmosphérique sur les Écosystèmes

Les charges critiques : qu’est-ce que c’est ?

Le concept
Les deux approches de charges critiques
Références

Le concept

C’est un outil de référence pour raisonner la réduction des émissions de polluants atmosphériques. Les charges ou niveaux critiques sont définies comme une valeur d’exposition à un ou plusieurs polluants au-dessus de laquelle des effets significatifs indésirables sur des éléments sensibles de l’environnement apparaissent, en l’état actuel des connaissances (Nilsson & Grennfelt 1988).

Le concept est simple (Figure 1).

Schéma conceptuel des charges critiques pour évaluer mesures de réduction d’émissions de polluants atmosphériques
Figure 1. Schéma conceptuel des charges critiques et de leur utilisation pour évaluer les mesures de réduction d’émissions de polluants atmosphériques à mettre en œuvre.

Dans un écosystème, pour un milieu donné (sol ou eaux de surface), on choisit un indicateur cible sur lequel on peut observer les effets de la pollution atmosphérique. On cherche alors la limite critique de dépôt pour laquelle l’indicateur cible n’est pas modifié ou ne dépasse pas une valeur que l’on considère comme limite (par exemple une valeur limite de richesse du milieu). La valeur maximale de concentration en polluant pour laquelle l’indicateur est préservé correspond donc à la quantité maximale admissible de dépôt du polluant, et donc à la charge critique. Des modèles mathématiques dits « classiques » (statiques ou dynamiques) ou d’autres dits de « biodiversité » permettent de déterminer cette charge critique en fonction de la sensibilité du milieu choisi exprimée à travers différents paramètres du milieu, de son fonctionnement et de l’indicateur retenu.
Lorsque cette charge critique est évaluée, on peut savoir si le polluant est en excès dans le milieu en comparant les dépôts actuels, passés ou futurs à la charge critique. Si les dépôts dépassent la charge critique calculée, ces polluants sont en excès et des réductions de leurs émissions doivent être entreprises (Figure 2).

Excès en azote eutrophisant en 2005 sur les écosystèmes européens
Figure 2. Excès en azote eutrophisant en 2005 sur les écosystèmes européens pour lesquels les calculs de charges critiques sont disponibles (Hettelingh et al., 2017).

Les deux approches de charges critiques

Deux approches de charges critiques ont été définies et calculées de manière concertée en Europe dans le cadre des travaux de l’ICP M&M du Groupe de Travail sur les Effets de la Convention sur la pollution atmosphérique transfrontalière à longue distance (CLRTAP) : les charges critiques dites « classiques » d’acidité, d’eutrophisation, et les charges critiques dites « de biodiversité ». Les charges critiques « classiques » d’acidité et d’eutrophisation sont définies par rapport à des modèles empiriques à l’état stationnaire par bilan de masse ou sur avis d’experts pour un écosystème donné. Elles sont basées sur sa capacité à neutraliser l’acidité ou d’absorber l’apport d’azote eutrophisant des dépôts atmosphériques qu’il subit. Les charges critiques de biodiversité sont définies actuellement relativement à des indices de diversité spécifique végétale, et à leur conservation face à l’acidification et l’eutrophisation, dans un contexte de changement climatique. Ces indices peuvent être des indices de similarité de composition (que l’on souhaite maintenir au cours du temps), des indices de diversité (où l’on peut définir un seuil de richesse spécifique minimale à conserver), ou de qualité de l’habitat (voir ci-dessous).

Les charges critiques sont établies à partir de modèles mécanistes biogéochimiques de réponse du sol à un dépôt de contaminant et en couplage à un modèle écologique de réponse de la biodiversité (voir onglet Modélisation). La CLRTAP s’est basée dès son adoption sur les concepts des charges critiques contre l’acidification et l’eutrophisation. En 2007, la Convention a formulé la volonté de considérer et lier les indicateurs de changement de biodiversité aux travaux de modélisation existants. Les experts membres du groupe de travail sur les effets (WGE), et ceux de son programme de coopération intégrative de Modélisation & Cartographie (ICP M&M) ont donc travaillé à l’élaboration de charges critiques de biodiversité végétale au travers de leur modélisation et du choix de ses indicateurs, toujours en lien avec les dépôts de soufre et d’azote à l’échelle Européenne et les outils de modélisation existants. En 2014, le choix de l’indicateur de qualité des habitats (« Habitat Suitability Index » ou HSI) comme indicateur commun de biodiversité à l’échelle de l’Europe a été acté (Posch et al., 2015). Le choix de cet indicateur commun permet la comparaison des résultats obtenus par les différents Points Focaux Nationaux (PFNx), mais en considérant les caractéristiques spécifiques aux différents écosystèmes nationaux, en faisant le lien entre la quantification de la diversité végétale des écosystèmes et leurs états de conservation.

Dans le cadre de la Convention sur la pollution atmosphérique transfrontalière à longue distance et de la prise de mesures de réductions des émissions, les responsables des PFNx des charges critiques répondent tous les ans à deux ans à l’appel à données lancé par le Centre de Coordination des Effets (CCE) en mettant à jour leur évaluation des charges critiques des différents écosystèmes. Les valeurs de charges critiques sont fournies pour chaque écosystème à l’intérieur de chaque maille de la grille « EMEP » (Programme concerté de surveillance et d’évaluation), mesurant 0,1°*0,05°, et qui est la grille utilisée pour représenter les émissions atmosphériques en Europe (Figure 3). Le CCE regroupe ensuite à l’échelle de l’Europe toutes les charges critiques des différents pays producteurs et attribue à chaque maille la valeur de charge critique permettant de protéger par ex. 95% des écosystèmes qui la compose. En retranchant aux dépôts atmosphériques de chaque maille la valeur de charge critique, on peut savoir s’il y a excès de soufre et/ou d’azote sur celle-ci. S’il n’y a pas d’excès, alors 95% des écosystèmes de la maille sont supposés supporter un tel dépôt sans dommage prégnant. S’il y a excès, alors les écosystèmes de la maille (% selon le niveau de protection choisi) sont impactés négativement par ces dépôts. Des mesures concertées de réduction des émissions des contaminants, discutées à Genève chaque année, sont prises entre les pays sur cette base.

Schéma du processus de modélisation des charges critiques à l’échelle de la France
Figure 3. Schéma du processus de modélisation des charges critiques à l’échelle de la France réalisé par le Point Focal National (PFN) et à l’échelle de l’Europe par le Centre de Coordination des Effets (Hettelingh et al., 2017). Le PFN calcule une charge critique pour chaque écosystème à l’intérieur d’une maille EMEP (0,1° x 0,05°), produit des cartes par maille EMEP ou par écosystèmes. Le CCE regroupe ensuite à l’échelle de l’Europe toutes les charges critiques des différents pays et attribue à chaque maille la valeur de charge critique permettant de protéger par ex. 95% des écosystèmes qui la compose. En retranchant aux dépôts atmosphériques de chaque maille la valeur de charge critique, on peut savoir s’il y a excès de dépôt de soufre et/ou d’azote sur cette maille. S’il n’y a pas d’excès, alors 95% des écosystèmes de la maille supporte un tel dépôt. S’il y a excès, alors tous les écosystèmes de la maille sont impactés négativement par ces dépôts.

En France, le PFN est dirigé par Anne Probst, et produit une cartographie des charges critiques d’acidité, d’eutrophisation et de biodiversité pour les écosystèmes forestiers français (ex. Figure 4, explorez plus de cartes dans l’onglet « Les cartes des charges critiques »). Le PFN modélise également les charges critiques de différents sites forestiers appartenant au Réseau National de suivi à long terme des ECOsystèmes FORestiers (RENECOFOR), ce qui permet d’évaluer si ces sites sont ou ont été impactés, et sont ou pas en cours de restauration (voir « Écosystèmes étudiés » et « Modèles »).

Cartographie des charges critiques des écosystèmes forestiers français
Figure 4. Cartographie des charges critiques d’acidité en soufre (CLmaxS) et d’eutrophisation pour les écosystèmes forestiers français (Probst et al. 2017 in Hettelingh et al., 2017).

Références

  • HETTELINGH J.-P., POSCH M., and SLOOTWEG J. (2017). European critical loads: database, biodiversity and ecosystems at risk, CCE Final Report.
  • NILSSON J., and GRENNFELT P. (1988). Critical Loads for Sulphur and Nitrogen. In Report from a Workshop held at Skokloster, Sweden, March 1988, pp. 7-32. Nordic Council of Ministers and the United Nations Economic Commission for Europe, Stockholm, Sweden.
  • POSCH M., HETTELINGH J.-P., SLOOTWEG J., REINDS G.J. (2015). Critical Loads for Plant Species Diversity. In SLOOTWEG J., POSCH M., and HETTELINGH J.-P. (eds.), Modelling and Mapping the impacts of atmospheric deposition of nitrogen and sulphur: CCE Status Report 2015, pp. 45–54. Coordination Center for Effects, Bilthoven, Netherlands.
  • PROBST, A., RIZZETTO S., and HAUNOLD S. (2017). French NFC Report. In HETTELINGH J.-P., POSCH M., and SLOOTWEG J. (eds.) 2017. European critical loads: database, biodiversity and ecosystems at risk, CCE Final Report, pp. 101-115.

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